Je te vois... (PV Liberty Dance & Sarayane)

Je te vois...
Liberty Dance & Sarayane

Une silhouette blanche, qui se confondait à la neige grimpait la pente, d’un pas énergique, s’enfonçant à peine dans la neige. La jument à la robe aussi blanche que de l’ivoire et à l’apparence aussi fragile que de la faïence scrutait les environs de ses yeux sans pupilles.
Sarayane… C’était son nom. Un nom qui allait à merveille, de part sa grâce, sa légèreté, ou encore élégance naturelle. Mais, malgré tous ces aspects qui la rendait belle et attirante, Sara’ se trouvait laide. Oui, laide, mais avant d’en arriver ici, il vous faut savoir quelque chose.
Sarayane a perdu la vie dans un dramatique accident alors qu’elle n’était qu’une jeune pouliche. Mais, malgré ces injustices de la vie, elle avait reçu un présent, un présent inestimable de la part des Dieux en personne. Elle possédait le don de double-vue. Certes elle ne voyait pas avec ses yeux, mais tous ces autres sens lui apportaient des images nettes et précises dans son cerveau. De plus, elle pouvait ressentir les sentiments, les émotions des autres chevaux lorsqu’elle se concentrait bien. Ils n’avaient aucun secret pour elle.

Alors elle avait grandit, joyeuse, sans se soucier de se que pensait les autres. Mais, un jour, elle surprit l’horreur dans l’esprit de certains chevaux. Alors, alarmée elle s’était regardée pour la première fois dans l’eau. Ce qu’elle y avait vu l’avait dégoûtée au plus profond de son âme. Sara’ n’avait pas vu sa longue et soyeuse crinière, ni son pelage éclatant ou cet air de reine qui se dégageait d’elle. Non, elle n’avait remarqué que ses yeux noirs charbons sans pupille. Elle ne voyait que deux couleurs : le noir et le blanc. Mais cela avait suffit à la dégoûter de sa propre image. Des mois de long exile avait commencé pour elle. Puis, un jour elle avait décidé de revenir, essayant d’ignorer les regards, et surtout les pensées que les autres chevaux ne pouvaient lui dissimuler.

En cet instant, Sarayane grimpait la pente, ayant décidé de monter au sommet de cette montagne, et de profiter de cet environnement. D’ailleurs, depuis qu’elle avait démarrée son ascension, la jument blanche ne cessait de s’émerveiller quant à la beauté du paysage. Alors elle montait, sans relâche, étant à peine fatiguée.
Soudain, elle s’arrêta dans sa montée et se retourna, laissant le vent et la neige qui tourbillonnait autour d’elle s’emmêler dans sa longue crinière. Sarayane scruta les environs, admirant une nouvelle fois les autres sommets. Il lui fallait encore faire un effort pour poursuivre cette ascension. Une fois en haut, elle se promit de rester plusieurs jours à regarder cet endroit magique.

Ce fut encore plusieurs d’effort qui permit à la jument blanche d’atteindre enfin le sommet de cette montagne décidément coriace. Sur les derniers mètres, Sara’ s’autorisa même à prendre un petit galop souple et enlevé. Elle ne glissait même pas sur la neige et avançait avec légèreté. Alors, enfin elle parvint en haut. A peine essoufflée, la jument repassa au pas et découvrit un promontoire rocheux. Tranquillement elle vint s’y placer, dominant ainsi toute la vallée et étant à la même hauteur que les autres sommets, elle pouvait regarder et admirer à loisir. Sarayane soupira, émerveillée par tant de beauté. Et encore, elle ne pouvait pas voir les couleurs ! Ce devait être encore plus magnifique avec les tons de couleurs. La belle jument resta ainsi, immobile, ne faisant même pas attention à la neige et au vent qui balayait l’endroit où elle était. Sara’ était positionnée ainsi, à la manière d’une reine qui dévisage son royaume. Comment avait-on pu créer un endroit aussi somptueux ?
Ce qui était étrange, c’était la manière dont ce paysage correspondait parfaitement à Sarayane. Dans sa manière d’être étrange, mystérieux.

Mais, soudain, un bruit se fit entendre. Sarayane ne bougea pas d’un poil, ne voulant pas montrer à l’étranger qu’elle l’avait remarqué. De toute façon elle n’avait pas besoin de ses yeux, puisque son esprit seul lui suffisait et ses autres sens étaient très développés. D’ailleurs, elle ne parla pas et se contenta de rester telle qu’elle était, immobile, les crins toujours soulevés par le vent de plus en plus violent.

La montagne. Ce lieu magique et mythique, qui vous emportait au dela des nuages... Un endroit qui en avait fait rever plus d'un. Mais combien avait eu le courage de grimper jusqu'en haut? Ils se comptaient surement sur les doigts de la main, ces intrepides equidés.

Une ombre sombre se distinguait sur ce mont enneigé. Queue panachée, tête legerement penchée vers l'avant, oreilles rabattues en arriere. Un etalon noir comme l'ébène et vif comme l'eclair galopait sur le versant de la montagne. Ses yeux, où luisaient une flamme etrange, refletaient une colere indescriptible. Au dessus de lui trônait un nuage gorgée de pluie et d'orage. Lorsque le beau noireau passait tel un fou, l'air s'électrisait et devenait lourd, le vent se levait brusquement. De quoi en faire frissonner plus d'un...

Ou allait-il? Que faisait-il? D'ou venait-il? Tant de questions sans reponses...Et surtout sans grande importance. Pour le moment, il avait juste décidé d'escalader ce mont. Pour quelle raison? Parce qu'il savait que la vue de là haut serait splendide. Comme quoi, les apparences sont parfois trompeuses... Sous ce caractere froid et distant se cachait un etalon sensible a la beauté de son entourage.

Il esquissa un saut de mouton, donna un coup de cul dans le vide, laissant ainsi s'exprimer une infime partie de cette rage qui sommeillait en lui. Quand arriverait-il a retrouver cette sensation sereine qu'il avait perdu depuis si longtemps deja? Peut etre, pour cela, fallait-il commencer par oublier. Par oublier quOi? Oublier ce qu'il avait fait. Ceux dont la vie s'en était allé devant ses yeux remplis de haine. Tuer... Cela ne lui procurait aucun plaisir. Et pourtant, il l'avait deja fait. Plusieurs fois en plus. Pourquoi continuer? Hooo, mais il ne continuait pas. Depuis son arrivée sur ces terres, il n'avait encore foudroyer personne. Magnifique, n'est-il pas? C'était ce que l'on appellait le contrôle de sOi - meme.

Controle? Qui a parlé de se controler? Il ne se controlait pas. La colere prenait encore souvent le dessus. Un peu trop souvent a son gout, d'ailleurs... Ses sabots foulaient la neige froide, mais il ne ressentait pas la fraicheur. La colere rendait aveugle et indolore. L'amour aussi. L'amour rend indolore? De mieux en mieux. A croire que le temps le rendait fou... Peut etre etait ce vrai, en fin de compte. On dit que la folie vient toujours a bout de la raison. Et, sans raison, on ne peut pas vivre, n'est ce pas? Cela signifiait donc qu'il allait mourir! Un sourire etira les levres du beau noireau. Il accelera encore la cadence, defiant littéralement la vitesse du vent. Il avait l'habitude de ces pensées sans queue ni tête. Il les supportait a longueur de journée...

Enfin, il arriva au sommet. Mais, brusquement, une odeur lui titilla les naseaux...D'un coup sec des posterieurs, le beau ténèbreux pila net, soulevant une nuée de neige sur son passage. Tous ses sens aux aguets, il ecoutait. Le vent jouait avec ses crins, le tonnerre commencait a gronder doucement. Et lui, yeux clos, immobile. Il attendait.

Alors, Sarayane put tout voir car l’étalon ébène parvint dans son champ de vision. Enfin, pas son de champ visuel, mais plutôt celui de ses sens. En quelques secondes à peine elle sut tout. Tout, de A à Z. Son pouvoir, sa colère, son nom même. Ainsi, cet étalon nommé Liberty Dance’ voulait lui faire tomber la foudre dessus. Ah ! Elle n’allait pas se laisser faire. C’était hors de question. En moins de temps qu’il n’en faut, la jolie jument blanche s’était retournée et avait avancé d’un mètre ou deux, se trouvant alors à portée de voix de l’étalon.
La colère de l’étalon ébène montait en lui et elle le sentait. Alors, la voix habituellement douce de la belle jument d’ivoire éclata tel un fouet.

- Suffit Liberty Dance’ ! Ce n’est pas en déclenchant la foudre sur moi que vous pourrez me vaincre. –

La neige la laissa apparaître, immobile, le dominant de part l’endroit élevé où elle se trouvait. Sarayane laissa le vent jouer avec ses crins blancs et toisa le puissant cheval qui se tenait à quelques mètres de là. Il n’était pas dans ses habitudes de se laisser marcher sur les pieds. Les secondes s’écoulèrent avec une lenteur désespérante, puis, enfin, Sara’ reprit d’une voix infiniment plus douce qui gardait malgré tout une froideur peu commune :

- Vous ne voudriez pas tuer une aveugle ? –

Alors, enfin la jument redressa la tête, dévoilant alors ses yeux noirs sans prunelles qui effrayaient en général les chevaux. En réalité, la jument espérait que cela suffirait à faire reculer l’étalon et la laisser tranquille. Sara’ en avait assez d’être considéré comme un drôle d’oiseau, une bête bizarre qui était tellement différente des autres qu’elle en était rejetée. Mais, après tout, s’il faisait un mouvement de recul, la jument ne dirait rien, elle en avait l’habitude. Elle aurait honte, comme à chaque fois.
La douce jument plongea pourtant ses yeux dans ceux de l’étalon avec une pénétrance peu commune et déstabilisante, ça, c’était sûr !

Dance' entendit son propre nom resonner dans ses oreilles. Il pointa une oreille vers l'avant, intrigué durant quelques secondes, avant de la rabattre presque aussitôt. A quelques metres de lui, une jument a la robe aussi claire que la lune le toisait avec colere. Sa phrase avait cinglé dans l'air et, au meme moment, la neige s'etait mise a tomber. Pure coincidence? Ou peut etre que ce mysterieux etalon y etait pour quelque chose? Quoiqu'il en soit, le beau noireau demeura immobile, fixant sans un seul tressaillement les yeux que la belle venait de lui rêveler. Aveugle. C'etait le dernier mot qu'elle avait prononcer en devoilant ses yeux sans pupilles. Pourtant, il n'avait pas broncher.

Il ignorait comment elle connaissait son prénom. Apparemment, elle avait egalement ressenti la colere de l'étalon ebene....Ce dernier esquissa quelque pas, ne s'arrêtant qu'a quelques centimetres de l'inconnue.

-"Je ne suis pas là pour vous tuer. Que vous soyez aveugle où non m'importe peu."

Il avait murmuré ces deux phrases, sachant particulierement que la brise allait les transporter directement dans les tympans de la jument. Sur ce, il se décala et la frola, se dirigeant vers le sommet. Apres tout, il arrivait encore a se controler. Il y a quelques années, il l'aurait directement foudroyé. Qu'est ce qui avait changé depuis ce temps? Son caractere? Non, pas vraiment. Mais il avait compris que tuer ne le rendrait jamais veritablement heureux...

Enfin, il toucha au but. Devant ses yeux vides s'étendait la vallée. Belle, resplendissante, couverte de neige. D'ici, l'étalon apercevait meme les ruisseaux qui coulaient paisiblement, les quelques rares animaux qui courraient librement. Simples petits points dans cette etendue si vaste...

Les flocons se deposaient avec douceur sur sa robe satinée. Le vent jouait avec ses crins, les faisant virevolter dans tous les sens. L'orage semblait s'etre apaisé quelque peu, comme si le fait de decouvrir un paysage aussi splendide calmait le beau ténèbreux. Il attendait. Il savait pertinnemment qu'Elle n'allait pas en rester la...

Non, il n'était pas dans les habitudes de Sarayane de subir. La belle jument blanche regarda Liberty Dance' aller jusqu'au promontoir où elle se tenait quelques instants plus tôt. Sans vraiment s'en rendre compte, la jolie jument à la couleur ivoire emboîta le pas à l'étalon ébène. Elle ne parlait pas, ne disait rien. Elle regardait. Elle regardait à l'intérieur de l'étalon, sa vie, ses sentiments, ses émotions en cet instant précis ! Enfin, du moins, ce qu'il la laissait voir. Sara' ne prêtait pas attention à l'étalon en fait, même si on pouvait croire qu'elle se concentrait pour essayer de décrypter le nouveau venu.
C'était faux. En fait elle essayait d'ignorer ce qu'elle voyait dans le coeur de l'étalon. Mais non, il lui hurlait ce qu'il avait fait. Ecoeurée, Sarayane se tourna vers le paysage et se concentra, ignorant à tout prix ce qu'elle voyait. C'était dur, il faut bien l'avouer. Mais la jument resta digne, droite, sans un mouvement ou un tressaillement. Sara' soupira, car une sorte de quiétude venait de l'envahir à la vue de ce paysage sompteux. Dans un murmure elle souffla :

- Je sais. Pour toute à l'heure. Je l'ai vu trop tard. J'en suis navrée. -

La jument marqua une légère pause, admirant et profitant. Sarayane poussa un autre soupir, puis, déclara :

- Je n'ai pas souvent vu d'aussi beaux paysages, et pourtant, les Dieux eux seuls savent combein j'en ai vu ! -

Sarayane se rendit soudain compte qu'elle venait de dire quelques instants plus tôt qu'elle était aveugle. Certes, c'était vrai. Mais, l'étalon ne pouvait pas savoir qu'elle avait un don plutôt spécial. Enfin, pour l'instant, Sarayane ne voulait pas lui dire. Elle préféra battre en retraite. D'un bond, la jument se retourna et partit au galop, évitant avec aisance les moindres bouts, ou parcelles rocheux. Quelques instants plus tard, la jument se retrouva loin, assez loin de Liberty Dance'. D'ailleurs, c'était mieux ainsi, Sara' préférait la sollitude. La sollitude... Cela lui était plutôt agréable, il faut bien l'avouer.

Mais, parfois, c'était d'avoir de la compagnie. Cependant, il fallait prendre en considération que la belle jument blanche ne pouvait s'empêcher de s'infiltrer dans l'esprit de ceux qui passaient à sa portée. Un don ma foi bien agaçant quoique utile. Sans ça, et malgré toutes ses médisances, Sarayane ne pourrait pas voir le monde, une chose qu'elle aurait sans aucun doute amèrement regretter.
La jument était toujours immobile, dans la neige, tournant le dos à Dance'. Elle ne voulait pas lire dans son esprit, non elle ne voulait pas voir ce qu'il y avait. C'était trop douloureux pour qu'elle ose s'y aventurer. Sarayane ne voulait pas laisser couler les larmes de ses yeux noirs sans pupilles. Mais, une ou deux y échappa et glissa le long de sa joue blanche et froide.
Loin, elle laissa son esprit se reprendre, là, telle qu'elle était, telle qu'elle l'avait toujours été et telle qu'elle le serait toujours. Un murmure s'échappa alors, à peine inaudible :

- Ce n'est pas parce que je suis aveugle que je ne te vois pas... Détrompe-toi, tu n'as aucun secret pour moi... -

L'étalon sombre contemplait ce paysage si merveilleux. Il ne s'en lassait pas. En meme temps, c'etait la seule chose capable de le calmer un temps soit peu. La foudre provenait de sa rage, et de la colere, il en avait beaucoup...Mais d'ou venait-elle? Peut etre etait il temps qu'il fasse une croix sur son passé...

<_Non, vraiment? Bougre d'ane, heureusement que tu t'en rends compte..._>

Sa conscience. Une nouvelle fois, elle cherchait a l'énerver. Pas besoin de fouiller le coeur de l'étalon ; cette voix interieure avait le don de le contrarier. Qui l'avait inventé? C'etait tout simplement son esprit diabolique, meprisant et sournois. Pourtant, auparavant, le beau ténèbreux etait plutot tranquille...Qu'est ce qui l'avait Changé?

<_Il serait plus sage de dire "Qui t'a Changé?"...N'est ce pas?_>

Dance' secoua la tête, profondemment vexé. Il tenta de la chasser, sans plus de succès. Un étalon lui avait un jour avoué qu'il etait possible de la faire disparaitre. Le beau noireau aurait tout donné pour connaitre le sens de cette phrase mysterieuse...

*Le bonheur n'est pas une chose qui s'attrape. Ne le cherche pas et il viendra tout seul a toi... La conscience, c'est exactement la meme chose. Ne cherche pas a la faire disparaitre, cherche a la contrarier, et elle s'en ira...*

La contrarier? Oui, mais comment? Depuis plus d'un an maintenant, il cherchait desesperement une reponse. Sans en trouver, bien evidemment. L'étalon entendit l'inconnue prononcer quelques mots, mais il n'y fit pas réellement attention. Les deux seuls mots que son esprit eut l'intelligence de retenir furent "beaux paysages". Oui, ces paysages etaient fabuleux. Pour une fois, il ne regrettait pas d'avoir fait quelque chose...

<_C'est Elle qui te fait penser n'importe quoi?_>

Dance' soupira, le tonnerre gronda plus fort encore. La neige s'accentuait, restant pourtant douce au toucher. Sans qu'il n'eut le temps de faire quoi que ce soit d'autre, la belle jument partit brusquement au galop, afin d'aller s'arrêter quelques metres plus loin. L'étalon ne broncha pas, insensible. Il avait l'habitude d'être seul. Si elle ne voulait pas lui parler, qu'elle le fasse. Ce n'était pas lui qui allait se plaindre...

Une idée traversa son esprit farfelu. Il detourna son regard de la vallée, esquissa un demi-tour agile et se propulsa en direction de la jument ivoire. Il trottait gracieusement, queue panachée, oreilles rabattues en arriere. Ses sabots effleuraient a peine le sol et pourtant...
Il passa juste a coté d'Elle, juste a l'instant ou elle prononcait cette phrase si mysterieuse... L'étalon la frola, murmurant un "Je sais." qui resonna dans les oreilles de la belle. Il grimpa sur quelques rochers, atteignant ainsi un point d'ou il pouvait apercevoir l'autre partie de la vallée.
Tête fierement relevée, criniere bercée par le vent, naseaux ronflant doucement. Qu'il etait beau...

Sarayane soupira. Un long soupir, qui ne trompait pas. Etait-ce de la tristesse ? Non pas vraiment. Juste une profonde lassitude. Soudain, Liberty Dance’ passa devant elle et murmura qu’il savait. C’était une bonne chose qu’il ne reste pas dans l’ignorance. La jument blanche comme l’ivoire plongea son regard noir dans le ciel, blanc, pur. Elle n’avait qu’un point commun avec le ciel : ils avaient tous deux la même couleur en cet instant. La seule différence était sans nul doute le fait qu’il était pur et non elle.
Elle se rendit compte soudain qu’elle pleurait. Enfin, elle ne pleurait pas puisque cela lui était impossible. Mais elle semblait sur le point de pleurer. Cependant, en tant que guerrière et adoratrice de la justice, elle se devait de rester fière et droite.
C’est d’ailleurs ce qu’elle fit.

Sarayane se redressa, prenant ainsi au moins un centimètre et regarda la silhouette gracieuse de l’étalon ébène. Sans plus attendre, la jument ivoire s’élança au galop et sauta également avec prestance sur les rochers, sans plus s’attarder elle regarda à son tour la vallée. Sara’ tentait désespérément de repousser les pensées, les sentiments et les souvenirs de l’étalon. Elle ne s’était pas incrustée dans son cerveau, et pourtant, elle sentait et entendait toutes les horreurs, les souvenirs de l’étalon. Les personnes qu’il avait tuées, leurs cris au moment de leurs dernières paroles. C’était affreux… Il n’y avait pas de mot pour décrire ce qu’elle entendait, voyait. Aucune parole n’aurait été assez puissante pour montrer la profondeur des choses.
Les minutes s’écoulaient, lentement, tranquillement. La jument n’avait pas envie de parler. A quoi cela aurait-il servit d’ailleurs ? A rien, donc autant se taire, c’était mieux pour tout le monde. Mais, les images ne cessaient de défiler dans sa tête. Sarayane soupira, un soupir si profond qu’elle fut quasi certaine que l’étalon l’avait entendu.

La jument immaculée prit alors la parole, pour la première fois depuis plusieurs minutes :

- Dans le monde dans lequel nous vivons, il existe deux catégories de gens : ceux qui répandent la mort, et ceux qui font leur possible pour éviter les souffrances aux autres. Un jour, on doit choisir son camp. Vous avez choisit le votre. –

La douce jument plongea son regard profond dans celui de Dance’ et murmura d’une voix qui pouvait être à peine inaudible, mais dont elle était sûre que la portée irait jusqu’aux oreilles de l’étalon noir.

- Je vois ce que vous avez fait, je sens vos émotions, entend vos pensées. Vous vous demandez sûrement comme une aveugle fait-elle ? Et bien, on m’a fait don d’un pouvoir après cet accident tragique qui me brisa la vue. Je vois tout, sens tout. Tout. Jusque dans les moindres détails. Je sais ainsi ce que vous pensez en cet instant, les moindres détails de cette vallée. –

La jument reprit son souffle, car celui-ci lui manquait, au fur et à mesure qu’elle avançait dans son récit.

- Là-bas, voyez-vous ? Il s’agit d’un poulain qui batifole en compagnie d’une jeune pouliche. D’ailleurs, celle-ci vient de tomber dans la neige. –

D’un gracieux mouvement de tête elle désigna un recoin au loin de la vallée. Puis, toujours aussi calme, Sarayane continua :

- Certaines personnes pensent que c’est un avantage d’avoir ce don là. Mais non, c’est blessant. La première fois que je l’ai utilisé avec d’autres chevaux que mon père adoptif, j’ai vu des choses que j’ignorais sur moi-même. Par exemple, que les autres chevaux me trouvaient laide avec mes yeux… -

La jument se tut, décidée à ne pas terminer son récit. D’ailleurs elle en avait trop dit. Du moins, elle avait révélée l’essentiel. C’était déjà suffisant. Bien suffisant.
La neige continuait de s’amonceler sur elle, sans qu’elle y prête vraiment attention. Elle s’en fichait, puisqu’elle n’avait pas froid, malgré la tempête qui faisait rage. Un murmure s’échappa de ses lèvres entrouvertes sans qu’elle soit certaine que l’étalon l’entende :

- Nous ne vivons pas par plaisir. Non, nous sommes des pions sur un échiquier que les Dieux déplacent selon leur bon vouloir. –

Elle avait pris un ton dégoûté, comme s’il s’agissait d’une insulte. Non, c’était simplement la stricte vérité. Chacun devait jouer un rôle dans ce monde, aucun n’était ici dans l’inutilité…

Oui, qu'il est beau ce ressentiment de Liberté...

Ce fut la seule pensée qui eut l'audace de traverser son esprit embrouillé par ses multiples songes sans queue ni tête. Il ne detournait pas les yeux de la vallée, préférant se concentrer sur ce fabuleux paysage. Qui sait? Peut-etre que cette jument etait comme les autres, au final... Mais pour juger, il faut connaitre.

L'étalon sombre baissa la tête, la laissant perchée au dessus du vide. Que lui arriverait-il s'il tombait? Il mourrait, oui sans aucun doute. Mais ensuite? Ou irait-il? certains juraient qu'apres la mOrt le Paradis existait... Mais comment en etre sur?

<_ Jette tOi du haut de Cette falaise, et tu auras ta repOnse, imbécile!_>

Le beau ténèbreux releva brusquement la tête et, une nouvelle fois, le tonnerre gronda. L'inconnue etait a coté de lui a présent, mais il n'y fit pas vraiment attention. La foudre s'abbattit a l'endroit ou il etait quelques minutes auparavant. Enfin, elle se déida a parler. Malgré lui, Dance' ne put s'empecher de l'ecouter...
Au fil de ses phrases, il lui repondait.

-"Detrompez vous, j'hesite encOre..."

L'étalon ébène s'interrompit, afin d'ecouter ce qu'elle avait a dire.

-"L'ignorance est le plus grand défaut des etres vivants. Mais tout savoir n'est pourtant pas une qualité, croyez moi..."

Il reflechit quelques instants. Elle arrivait a lui devoiler ce qu'il se passait a une centaine de metres de la ou ils se trouvaient et venait de lui devoiler une partie de son histoire... Quelle etrange jument...
Elle semblait quelque peu... Bouleversée? Mais etait-ce l'adjectif qui convenait le mieux? Il etait un peu tard pour y reflechir...

-"Je ne pense pas que ce soit un avantage, bien au contraire."

Il s'ébroua, envoyant valser ses longs crins soyeux. Enfin, il se decida a accepter le contact visuel qu'elle lui proposait depuis le debut de son discours.

-"Vous savez, il n'y a pas que la beauté exterieure qui compte... Le plus souvent, c'est ce qu'il se passe la qui est le plus important..."

En parlant, il avait désigné du menton l'emplacement du coeur de la jument.
Sa derniere phrase lui arracha un leger sourire. Dans ses yeux, l'espace d'un court instant, une étincelle pétilla.
Une étincelle? Celle du malice...

-"Que les Dieux deplacent et qu'ils jettent quand bon leur semble... Et malgré cela, ils restent les dOminants de cette misérable planète, et decident quand ils veulent des faveurs a accOrder..."

Il en avait trop dit. Dance' detourna la tête, reportant son attention sur le paysage verdoyant.

[size=12]Lorsque Sarayane entendit les paroles de l’étalon, sachant qu’il prévoyait de se jeter du haut de la falaise étouffa un léger rire. Il est vrai qu’il était décidément difficile de lui cacher quoi que soit. La douce jument réfléchissait aux propos plutôt macabres de l’étalon. Choisir un camp. Voilà une lourde tâche. Elle soupira et contempla à nouveau le paysage. La dernière phrase de l’étalon la laissa perplexe… A vrai dire elle y réfléchissait encore… Après un léger temps de silence, Sara’ déclara d’une voix posée et réfléchie :

- Les dominants… Il suffit de si peu pour les renverser savez-vous ? Juste de connaître leur faiblesse à travers la pensée… -

Nouveau silence. Cette fois-ci, c’était elle qui en avait trop dit. L’étalon avait sans aucun doute remarqué. Elle se tourna vers lui et sourit :

- Nous avons tous nos secrets ? N’est-ce pas ? –

On ne pouvait pas tout dévoiler. Mais, cependant, elle savait qu’un jour ou l’autre elle découvrirait de choses sur l’étalon, des choses qu’elle aurait sans aucun doute préférer ignorer. Dresser une barrière mentale lui était très difficile en présence de Dance’. Il avait cette manie décidément très bizarre de hurler ses pensées aux autres… Pas très réjouissant pour Sara’ lorsque vous possédiez le même don qu’elle ! La jument d’ivoire soupira, de manière si douce que personne n’aurait pu le capter. Elle réfléchissait en fait à ce qu’elle allait dire ensuite. Alors, elle continua :

- Je ne sais pas encore quel rôle je dois jouer, mais je suppose qu’il n’est pas des plus gais… Les pions sont en places, et se déplacent selon les décisions prisent par les Dieux et les dominants comme vous le disiez. C’est ainsi, je ne fais pas partie des dominants…-

Sarayane fit une pause, savourant l’effet de ses paroles sur l’étalon ébène. Tranquillement elle fit voler ses longs crins dans le vent, les laissant ensuite se reposer sur son encolure, comme s’il s’agissait de fils de soies. Puis, d’une voix presque inaudible elle continua :

- Je ne me suis pas encore présentée. C’était fort impoli de ma part, mais il est vrai que j’ai tendance à l’oublier. Je connais beaucoup de choses sur vous tandis que vous ne connaissez même pas mon nom… Je me nomme Sarayane… -

La jument se tut, préférant le silence qui accueillait sa vague présentation. De toute manière, elle n’avait pas à s’étendre sur sa vie. Ce n’était pas la peine. Certaines choses n’étaient pas à raconter, et celle-ci en faisait partie. La vie de Sarayane n’était pas des plus gais. On avait l’impression de se retrouver en plein milieu d’une tragédie. La jument n’en tenait pas compte. En cet instant, son esprit était vidé de toutes pensées, comme si le monde s’était arrêté de tourner et qu’il restait encré dans cet instant présent et que celui-ci durait jusqu’à la fin des temps. Le temps… C’était plutôt sur l’infini qu’elle comptait !
Sara’ regardait toujours le paysage sans vraiment le voir. Sa vue perçante la renseignait sur tout ce qui se passait, mais, tout cela lui importait peu. Une question lui trottait dans la tête depuis un sacré moment et elle attendait sans cesse le moment adéquat pour la poser et satisfaire sa curiosité maladive. Soudain, n’y tenant plus, la jument demanda d’une vois quelque peu contrite :

- Je voudrais vous poser une question ? Comment ce fait-il que vous soyez ici ? Et d’où vient cette haine qui irradie de vous de telle manière que je peux la sentir venir de plusieurs kilomètres ? –

Cette dernière phrase lui arracha un demi-sourire et ses yeux noirs sans pupilles auraient brillé s’ils avaient pu.

- Oui, vous êtes plutôt reconnaissable mon cher… -

La jument plongea alors son regard perçant dans celui de l’étalon, cherchant la moindre parcelle, trace d’information. Toutes ses réactions étaient pour elle des indices très précieux qu’il suffisait d’assembler pour connaître l’ensemble du puzzle.

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Le beau noireau renaclait, ne cessant d'écouter la jument malgré le fait que ses oreilles demeuraient plaquées contre sa nuque. Il soupira, lui d'habitude si discret laissant entrevoir ici une pointe de lassitude. Mais rien de bien mechant.
Et pourtant...
Il ne quittait plus la vallée du regard, observant le moindre ruisseau, la moindre feuille, le moindre oiseau. Tout ce que ses yeux lui permettaient d'apercevoir, en quelques sortes. Il haussa un sourcil inquisiteur en ecoutant la premiere phrase de la jument.

-"Votre pouvoir a beau etre immense, personne ne peut connaitre la pensée des dieux..."

Ce souffle. Porté par le vent qui se leva brusquement, pile au moment ou l'étalon parlait. Une coincidence? Pas si sur... Quoiqu'il en soit, l'étincelle qui luisait dans son regard avait disparu, laissant place a des prunelles ternes et vides de vie. Etait-il possible de négliger la vie a ce point? Apparemment oui. Dance' ronfla doucement des naseaux, fermant les yeux un court instant.

-"Les secrets les mieux gardés sont souvent ceux qui font le plus mal... N'est ce pas?"

Habile maniere de s'exprimer. Phrases philosophiques, sans vraiment de sens. et pourtant, lorsqu'en face de vous se trouve une jument si speciale, il vous est possible de vous exprimer comme vous le désirez. Un point positif parmis tant de points négatifs... Il lui faudrait des années pour decouvrir tout ce que renfermait le coeur de cet étalon. Meme avec son pouvoir... Il avait raison. Les secrets qu'il gardait le mieux etaient ceux qui lui faisaient le plus mal... Mais quand on connait son histoire, on ne se pose plus de questions a propos de son caractere si ombrageux. Mais qui connaissait son passé? Personne. Il etait le seul, l'unique, a savoir ce qu'il s'était réellement passé. Peu importe les pouvoirs, peu importe les personnes. Jamais. Jamais il ne dirait ce qu'il avait sur le coeur.

-"Enchanté. Inutile de me présenter, puisque vous connaissez deja mon nom. ou plutot celui qu'on me donne."

Le silence. Un cadeau des dieux, encore une fois. Rien n'est plus beau que le silence, telle etait la devise de l'étalon. Allez savoir pourquoi...Il avait appris, a ses dépens, que le silence valait mieux qu'un long discours. Une regle d'or qu'il s'était imposé... Et pourtant, devant Elle, il avait l'impression d'en dire trop. Beaucoup trop, meme...
La question de Sarayane le sortit de ses pensées. Trop tard. En l'espace d'une demi seconde, il avait fermé cette forteresse qui cloturait l'accès a son coeur. La solitude vous pousse souvent a reflechir. Et a vous proteger egalement de questions comme celle ci. Un sourire etira ses levres. Reconnaissable? Il l'était, effectivement.

-"Pourquoi je suis ici? Excellente question. Je ne le sais pas moi meme. Quand a cette colere qui fait battre mon coeur... J'ai été trahi, j'ai enormement souffert, et pourtant je suis encore la. Et vous?"

Ce fut tout ce qu'il put dire. Impossible de penetrer dans son coeur de pierre, qu'il avait précieusement enfermé afin de conserver ses secrets. Il voulait oublier. Mais c'était impossible.
Songeur, il leva les yeux vers le ciel, d'ou les flocons continuaient de tomber avec douceur.

La trahison… La plus et horrible des souffrances que l’on pouvait faire endurer. La trahison… Oui, c’était cela. C’était étrange, car elle aussi avait été trahit… D’une manière si profonde et horrible qu’elle lui avait fait perdre la vie. Sarayane aurait pleurée si elle avait pu. Mais non, ce qu’on lui avait fait l’en empêchait. La douce jument se durcit et tenta de pénétrer dans les pensées de l’étalon. Mais non, il avait érigé un mur autour de lui. Elle tenta à nouveau d’y entrer mais encore une fois elle se heurta à un mur de pierre. Il lui aurait fallu plus de concentration pour essayer de le franchir. Mais Sara’ n’en était pas capable, en tout cas pas maintenant, trop d’émotions entraient en elle, si fortes qu’elle ne pouvait même pas les contrôler. Préférant abandonner avant qu’elle ait causée des dégâts irréparable dans les pensées de l’étalon, la jument de couleur ivoire se concentra sur la réponse qu’elle allait lui fournir. Dur dur de réfléchir… Une question s’imposait dans son esprit, et pas des moindres. Devait-elle mentir, ou simplement dire la vérité ?

- Pourquoi suis-je en colère… -

Alors, la rage qu’elle avait contenu de son mieux durant un long moment s’échappa d’elle comme une fumée qu’on ne pouvait rattraper. La jument soupira, et déclara d’un ton froid :

- Je suis en colère car il m’a été donné la pire des trahisons… Celle d’un membre de mon troupeau, de ma famille. Il nous a tous décimé sauf moi, mais m’a ôté la vue et ma seule chance de ressembler à un cheval normal… Je n’ai jamais été normale, en tout cas pas depuis que les Dieux ont visiblement décidé de m’accorder ce don. –

La jument préféra s’arrêter. Sara’ n’était pas du genre à s’étendre sur sa vie. Mais elle n’aimait pas laisser les autres dans le doute. Une qualité, encore. Comment une jument avec un cœur aussi gros pouvait avoir été trahit à ce point ? Et surtout maltraité comme elle l’avait été durant plusieurs années… Non, décidément, on ne vivait pas par plaisir. Sarayane resta silencieuse, observant avec un calme certain le paysage autour d’elle, regardant le moindre détail, se calmant ainsi. Elle détestait rester dans l’ignorance.
La jument blanche réfléchissait pendant ce temps aux premières paroles de l’étalon.

* Les secrets les mieux gardés sont ceux qui font le plus mal… *

Oui, il avait sans aucun doute raison. Mais, elle préférait garder le plus gros dans sa tête. Il était inutile de révéler celui qui avait été le traître… Savoir qu’il était sur ces terres suffisait déjà à sa propre peine. Ou plutôt servait sa colère. Son ton s’était durci et ses muscles imperceptiblement tendus après ses paroles. Sarayane contemplait toujours la vallée, sans même regarder l’étalon. Elle ne faisait plus attention à lui. Lorsqu’elle regarda encore plus haut, elle découvrit qu’il lui restait encore environ une heure de marche pour atteindre le promontoire suivant. Sans plus attendre, elle se détourna de cette vue et dit d’un ton qui se voulait naturel :

- Je vais monter encore un peu. Je suis sûre que la vue de là-haut doit être encore plus somptueuse… -

Puis, elle se détourna et repartit au galop, s’enfonçant à peine dans la neige aussi immaculée que sa robe. L’ascension fut longue, certes, mais cela en valant la peine ! Très vite, la pente devint très raide, et elle repassa au pas. Sarayane soufflait, ses muscles se contractaient sous l’effort qu’ils devaient fournir. Le rythme de sa course était ralenti. Elle ne prêtait plus attention à Dance’. Qu’il la suive si cela lui plaisait ! Du moins, elle pensait que si jamais c’était ce qu’il faisait, elle était sûre que sa façon de le voir changerait. L’effort était dur, il lui fallait du courage. La pente était beaucoup plus raide qu’au départ. Puis, enfin, après cet effort plus que fatiguant, Sara’ parvint en haut. La neige tombait de manière plus intensive ici. Le vent redoublait ses efforts, mais rien au monde n’aurait pu arracher la jument à sa contemplation. C’était encore plus splendide. Il y avait encore des sommets plus hauts, et la douce jument était persuadée qu’ils devaient se trouver au-dessus des nuages. Mais, y monter était au-dessus de ses forces en cet instant. Il lui fallait récupérer.

L'étalon la laissa partir au galop, ecoutant seulement le bruit de ses foulées qui s'estompait peu a peu. Il ferma les yeux quelques instants, profitant de la fraicheur hivernale. Il faisait presque froid a cette altitude, mais cela ne derangeait nullement le beau noireau. Il rouvrit les paupieres et admira encore une fois le paysage que lui offrait les Dieux. S'il croyait en eux? Pas vraiment, non. Mais se mettre en travers de leur volonté lui paraissait quelque peu impossible a réaliser...

Quoique. Rien n'est impossible. C'était ce qu'Il lui repetait souvent, auparavant. Que ce temps lui semblait lointain, a présent... Dance' soupira, secouant doucement la tête afin de chasser quelques flocons intempestifs. Il leva les yeux vers le ciel, distingant ainsi le promontoire suivant. Sa décision etait prise. Depuis bien longtemps déja...

Sans un mot, il esquissa un demi tour, descendit de son pied d'estale et partit dans un trot souple et cadencé. Ses sabots s'enfonçaient
dans la neige duveteuse, etouffant le bruit de ses foulées. Ses longs crins s'agitaient en rythme. Oreilles rabattues en arriere, queue panachée, allures nobles. Macho? Surement pas. Le beau ténèbreux s'ebroua. La montée etait tenace, le vent lui giflait le visage. Malgré tout, il s'imposait de garder un rythme soutenu, ne ralentissant sous aucun pretexte. Pourquoi montait-il la haut? Lui meme ne le savait pas.

Pour la revoir? Non. Par simple curiosité, plutot. Et oui, cette jument attisait sa curiosité. Il dressa une oreille, à l'ecoute du moindre bruit qui aurait pû lui paraître suspect. Perdu dans ses pensées. Voila ce qui caracterisait son esprit embrouillé a cet instant précis. Un énieme soupir retentit. Ses muscles roulaient sous l'effort, chacun de ses membres se deplacaient avec une agilité stupéfiante. Sur son visage, aucune race de fatigue. Meme son souffle demeurait presque placide. Mais qui etait-il? Un etre surnaturel? Il ne faut pas pousser.

Enfin, il aperçut le point d'arrivée. Elle se tenait la, apparemment ébahie devant le paysage qui se deroulait sous ses yeux. L'étalon ebene ralentit enfin, se decidant a repasser au pas. Il depassa la jument, la frolant doucement. Il etait persuadé qu'elle l'avait entendu arriver. Et meme si elle ne l'avait pas senti venir, il s'en fichait. S'il etait la maintenant, c'était pour pouvoir contempler ce splendide paysage. Il s'arrêta, bercé par le vent qui se faisait de plus en plus violent. Un coup de tonnerre d'une sonorité incroyable resonna, mais il n'y fit pas attention. L'orage rageait de devoir se contenir. Il le savait. Mais pour l'instant, ce n'etait pas le plus important. Sous lui, la vallée resplendissait. C'était...Incroyable. Magnifique. Invraisemblable. Encore mieux que dans ses reves. L'étalon ne put reprimander un leger sourire. Pour une fois dans sa vie, il avait pris la bonne décision...