Le rythme des sabots sur la Plaine. [PV]

Le rythme des sabots sur la Plaine.
PV.
Cassiopée && Maide.

Le rythme des sabots sur la plaine. Un long champ qui s’accélère. Un tournoiement frénétique, comme un nuage de poussière. Puis le vent qui balaie ce Monde. La plaine est déserte. Personne n’est là. Il n’y a pas âme qui vit. Seuls les fantômes du passé galopent dans l’espoir de trouver un refuge.

Il y avait bien une espèce de fantôme qui galopait, seul dans la plaine. Sa robe était grise, ses longs crins noirs flottant au vent derrière elle. Elle n’était guère rapide. Mais, pourtant, elle avançait bien. Cette jument, à l’allure fantomatique, se nommait du joli nom de Cassiopée, en l’hommage à une Reine enchaînée à son trône dans la mythologie. Mais, ceci n’est pas une histoire que je conterais aujourd’hui. De toute façon, Cassie répugne à la raconter. Quoi de plus effrayant que de revenir sur son passé ? Regarder ses traces ? Non, il vaut mieux avancer, avancer lentement, sans se perdre et se concentrer sur le futur. Certaines choses peuvent arriver sans crier gare.

La silhouette fantomatique galopait toujours. Elle n’avait jamais été très rapide. Mais, elle était assez endurante. Ainsi, à un galop plutôt paresseux, Cassiopée pouvait tenir longtemps.
A vrai dire, elle rêvait en cet instant précis. Comme toujours. Rares étaient ceux qui la voyait. Et pourtant, elle n’était pas nouvelle sur les Terres de Dolce Empired ! Oh non ! Elle était là lorsque Vénus fut tuée, lorsqu’Ashitaka et Typhon décidèrent de se détester. Elle était restée dans l’ombre. C’était après tout sa place favorite. Cassie, ainsi placée, voyait tout, savait tout – sans pour autant le prétendre, car tout le monde reste ignorant dans sa vie- et comprenait la plupart des choses qui se passaient. Elle observait, réfléchissait, et jugeait. Elle était intelligente, mais, malheureusement, souvent rêveuse.
Ainsi éloignée du Monde, Cassiopée pouvait à loisir réfléchir. L’autre chose qui la faisait s’éloigner le plus possible des autres, était cette faculté qu’elle avait de guérir par l’esprit. Elle possédait un pouvoir de guérison puissant. Malheureusement, ce qu’elle lisait parfois dans l’esprit des gens, n’était pas des plus beaux. La douleur, l’amertume, la colère, étaient les trois principaux sentiments qui l’effrayaient. Alors elle s’isolait, ne venant que lorsqu’on avait besoin d’elle.

Mais, il y avait ces rumeurs. C’était comme un murmure qu’on n’ose pas prononcer. La Guerre serait imminente. Les deux clans finiraient par s’affronter, c’était certain. Et, ce jour-là, Cassiopée devrait sortir de l’ombre, et se portait à l’ennemi. Son statut de Guérisseuse l’y obligeait. Elle devait aider et soigner les blessés durant la bataille. Un travail éprouvant mentalement et physiquement. Voilà ce dont elle avait peur aujourd’hui. La mort d’un seul être lui causait un chagrin considérable, simplement parce qu’elle se sentait obligée de l’aider, de le sauver. Et ainsi, c’était un véritable échec.
Elle voguait à cet instant, sur ce vaste océan vert. Rien ne pouvait l’arrêter. Rien, ni même l’oiseau qui planait dans le ciel, ou le vent qui la soutenait dans sa course. Rien, non, vraiment rien.

Et pourtant, quelque chose bougea non loin d’elle. Un bruit, presque inaudible. Cassie bloqua tous ses sens et attendit. Un équidé approchait et il était temps de se demander si elle devait fuir, ou rester et attendre. Le temps s’écoula, l’équidé se rapprocha. Alors, contre toute attente, la jument décida de rester, d’attendre, d’observer avec ses sens et de juger. Voilà bien des semaines qu’elle n’avait pas croisé de chevaux.
Elle ouvrit « les vannes » et laissa son esprit la guider. Ainsi, elle effleura l’esprit d’une autre jument. La Guérisseuse laissa encore ses sens la guider un peu. Elle entendait beaucoup de choses, mais ne s’enfonçait pas trop dans la jument nouvellement arrivée. Après tout, elle aura sentit son intrusion si elle s’était trop avancée.

C'est dans la steppe qu'elle arriva. Ce n'était pas voulu, ce n'était que le hasard. Elle ne connaissait pas encore les différents lieux de ce monde, bien qu'elle y soit née. Elle n'avait jamais vraiment voyagé, jusqu'à il y a deux ans. Elle commençait à peine à découvrir le monde. Et on pouvait dire que cela lui plaisait, vraiment. Même si les endroits n'étaient pas toujours à son goût. Alors elle en modifiait les teintes pour les rendre plus agréables à l'oeuil. Maide, puisque cette jument pie alezane se nommait ainsi, adorait son pouvoir. Depuis sa naissance, elle n'avait cessé de le voir grandir en puissance. Avant, alors qu'elle ne pouvait coloré que de petites choses sur un périmètre restreint, elle était maintenant capable de modifier les couleurs d'un cercle d'environ cinquante mètres de diamètre. Et elle espérait bien que sa puissance s'accroitrait encore... Son don était aussi pratique pour se dissimuler aux yeux des autres, ou pour changer de robe quand l'envie l'en prenait. Elle pouvait devenir quelqu'un d'autre. Yeux bleus, robe grise... Yeux noirs, robe alezane... Absolument tout. Mais Maide n'avait encore jamais utilisé son pouvoir sous cette forme. Elle ne voulait pas et n'en avait pas besoin. Peut-être que quand elle se retrouverait devant les vampires, elle le ferait. Mais pour le moment, c'était inutile. Qu'est-ce que ça lui donnerait de jouer un rôle ? Ce serait peut-être amusant quelques minutes, mais c'est tout.

Elle s'était profondément avancé dans les steppes. A chaque minutes, elle découvrait un peu plus de ce paysage inconnu. Sous ses sabots, le sol prenait une teinte vive et chaleureuse, qui changeait selon ses envies. Autour de Maide, la steppe n'était plus ce qu'elle était. Les couleurs avaient changé, remplaçant les teintes ternes par des couleurs vives et pleine de joie. Maide préférait de loin ce nouveau paysage.
Il y avait une légère brise. C'est sans doute grâce à elle que Maide repéra l'odeur d'un cheval, ou plutôt d'une jument, inconnue. Toute heureuse de rencontrer quelqu'un de nouveau, elle s'avança dans un trot soutenu à sa rencontre. Très vite, elle la vit. C'était une jument blanche, de taille moyenne, comme elle. Sa crinière était plus foncé que le reste de son corps et il émanait d'elle de curieuses vibrations. Maide n'aurait su dire ce que c'était.

Alors qu'elle s'apprêtait à parler, elle sentit un vent frais lui chatouiller la tête. Mais c'était étrange car la brise avait disparu depuis bien longtemps. C'était comme si ce souffle d'air était à l'intérieur d'elle. Comme si quelque chose l'avait effleuré, en pensée par exemple. C'était à ni rien comprendre. Désabusée, Maide secoua la tête et rangea cet évènement dans un coin de son esprit. Puis elle s'approcha d'un pas vers l'inconnue et dit d'une voix enjouée :

-Bonjour ! Je suis Maide et toi ?